Villages d’Alpinisme des Écrins

La Grave et Villar d’Arène, Villages d’Alpinisme des Écrins

En 2021, sept villages dans le massif des Écrins ont lancé une initiative commune : créer un club Villages d’Alpinisme et établir une charte de valeurs partagées. Les Villages d’Alpinisme des Écrins se sont inspirés des « Bergsteigerdörfer », label créé en Autriche en 2008 et rayonnant ensuite vers l’Allemagne, l’Italie, la Slovénie et la Suisse. 

Les Villages d’Alpinisme des Écrins sont des lieux de départ historiques pour les grandes courses d’alpinisme vers des sommets emblématiques. Le groupe de sept sontLa Grave, Villar d’Arène, Monêtier-les-Bains, Vallouise-Pelvoux, La Chapelle-en-Valgaudemar, Saint-Christophe-en-Oisans et Valjouffrey.

Venir dans un village d’alpinisme, c’est un peu se déconnecter de la société et se reconnecter à la nature en montagne. Le manifeste des Villages d’Alpinisme des Écrins déclare la volonté de « réenchanter nos villages, promouvoir un alpinisme authentique et respectueux, transmettre la tradition aux nouvelles générations, sensibiliser le public à la beauté fragile du milieu naturel, trouver le juste équilibre entre préservation d’une nature d’exception, notre plus grande richesse, et nos activités humaines, afin de pouvoir continuer à vivre en haut du haut. »


Les débuts de l’alpinisme et du métier de guide dans les Alpes

Au 18e et 19e siècle, les gens des hautes vallées alpines ne s’intéressaient guère à la haute montagne. La conquête des hauts sommets n’apportait pas de quoi nourrir la famille. Un col qui permettait l’accès à une autre vallée avait un certain attrait, mais le royaume de roche et de glace n’avait pas de valeur pour les paysans. De plus, on le croyait sous l’emprise d’esprits maléfiques.

L’arrivée d’alpinistes d’ailleurs à partir du début du 19e siècle, changea la donne. C’était notamment les aristocrates anglais qui pouvaient se consacrer à une telle activité de loisirs. Leur soif de sommets apporta néanmoins une nouvelle source de revenue aux montagnards. Habitués aux terrains difficiles, les paysans-bergers et les chasseurs de chamois devinrent les premiers guides de montagne, accompagnant les aristocrates et parfois les scientifiques vers les hauts sommets. Ainsi, la haute montagne devint attrayante pour les habitants du haut.

Dans les Écrins, on les appelait guides-paysans. Mais le statut du guide n’était pas celui d’aujourd’hui. Une grande partie des premières ascensions des Alpes furent signées par les alpinistes anglais, les guides locaux qui les accompagnaient restant dans l’ombre. Leurs noms ne figurent que rarement dans les récits des conquêtes.


L’âge des grandes conquêtes dans les Alpes et dans les Écrins

L’ascension du mont Blanc ouvre le bal en 1786, la conquête du Cervin apporte une note de tragédie en 1865 quand un des guides et trois alpinistes se tuent dans la descente, entrainés dans la chute de l’un d’eux.

Les sommets des Écrins entrent en scène dans un second temps, le massif étant plus reculé et plus difficile d’accès que les alentours de Chamonix. En 1864, un an avant le Cervin, Edward Whymper gravit la Barre des Écrins. Pour atteindre le pied de la Barre, il passe d’abord le col du Galibier pour descendre à La Grave. Le lendemain, il grimpe la paroi en face de son hôtel, Les Enfetchores, pour atteindre la brèche de la Meije et descendre sur la Bérarde. De là, il continuera vers le col des Écrins. Le Révérend Coolidge parcourt les Ecrins entre 1870 et 1898, au départ en compagnie de sa tante Margaret Brevoort. Leurs objectifs sont La Meije, la Barre des Écrins et Ailefroide.

La Meije attire les regards

À La Grave, à Villar d’Arène et au col du Lautaret, un sommet attire les yeux de tous les passants.  C’est le profil majestueux de la Meije, dont le Grand Pic culmine à 3983 m, qui domine la haute vallée de la Romanche. La Meije sera le dernier des grands sommets des Alpes à être gravi, après des années de tentatives échouées, menées par des alpinistes britanniques en compagnie de guides suisses ou savoyards. Elle est alors considérée comme le sommet le plus difficile des Alpes.

Sa proximité du village incite les alpinistes à tenter l’ascension de la Meije d’abord par la face nord qui est clairement visible de La Grave même. Cependant, les voies de la face nord s’avèrent trop difficiles pour le matériel et les techniques de l’époque. Ce n’est que quand les regards se portent sur la face sud, au-dessus de La Bérarde, hameau de Saint-Christophe-en-Oisans, que les tentatives commencent à porter leurs fruits.

La première ascension de la Meije

En 1870, Coolidge, Brevoort et leur guides suisses Almer et fils, réussissent l’ascension du Doigt de Dieu (la Meije Centrale 3973 m) pour s’apercevoir à l’arrivée que ce n’est pas le point culminant du massif. Le Grand Pic paraît alors inaccessible. Malgré tout, Coolidge fait une deuxième tentative en 1876, en passant par la face sud puis par l’arête ouest. La même année, un guide local rejoint la course au sommet. Pierre Gaspard, guide-paysan-chasseur de Saint-Christophe-en-Oisans, tente d’abord l’ascension avec un jeune géographe de Grenoble, Henry Duhamel, et des guides chamoniards. Ils abandonnent à la sortie d’un couloir, au niveau de la pointe qui s’appellera par la suite Pyramide Duhamel. Devant eux se dresse une dalle lisse qui paraît infranchissable.

En août l’année suivante, un jeune noble du Sud de la France, Emmanuel Boileau de Castelnau, convainc le Père Gaspard de faire une nouvelle tentative. Avec le fils de Gaspard, ils partent de La Bérarde le 4 août 1877 et réussissent à franchir les 20 m de dalle en ôtant leurs souliers trop rigides afin de profiter des prises offertes par les plus petites fissures dans la roche. Depuis, cette dalle s’appelle la Muraille Castelnau. Contraints de redescendre à l’approche de la nuit, ils reviennent à la tâche le 16 août 1877. Ce jour-là, ils parviennent à l’arête finale et passent le dernier ressaut pour se trouver les premiers de l’histoire de l’alpinisme en haut du Grand Pic, à 15h30. Contrairement aux alpinistes d’aujourd’hui, ils redescendent par la voie de montée et, se faisant attraper par le mauvais temps, passent une dure nuit en bivouac sous le sommet avant d’atteindre la vallée.

La Meije est donc l’exception à la règle des premières ascensions britanniques car au final, une cordée française emporte la victoire. Mais quand Coolidge rédige son Guide du Haut Dauphiné en 1887, il attribue l’ascension à Emmanuel Boileau de Castelnau. Son guide, le Père Gaspard, n’est pas mentionné.


Les voies d’alpinisme autour de la Meije

Depuis cette première ascension, de nombreuses voies ont été ouvertes dans les parois du massif de la Meije. La conquête des parois les plus difficiles, comme les faces nord, se multiplient en parallèle du développement de techniques et de matériaux plus performants. Le Z, célèbre couloir de la face nord de la Meije, a été ouvert par Maurice Fourastier et Casimir Rodier en 1933. Gilbert Robino et Albert Tobey l’ont suivi jusqu’au sommet en 1947. L’âge de l’ouverture de nouvelles voies n’est pas révolu. En août 2021, trois guides du Bureau des Guides de La Grave, Erin Smart, Benjamin Ribeyre et Cyril Dupeyré, ont ouvert une nouvelle voie vers La Meije, la plus dure de la face sud.

Mais la voie normale de la Meije reste celle trouvé par le Père Gaspard en 1877, du moins pour la montée.

La traversée de la Meije par les Enfetchores

Pour cette course, le départ et l'arrivée se fait à La Grave. La traversée de la Meije, selon Gaston Rébuffat « sans doute la plus belle course de l’Oisans », vous fait passer dans les traces du Père Gaspard. De nos jours, la voie normale de la Meije suit le tracé de l’ascension historique jusqu’au sommet. Mais au lieu de rebrousser chemin, la course se poursuit par les arêtes de la Meije, des Dents de Zsigmondy au Doigt de Dieu, avant de descendre au refuge de l’Aigle. Les arêtes de la Meije ont été parcourues pour la première fois en 1885 par Ludwig Purtscheller, Otto et Emil Zsigmondy, dans le sens est-ouest.

Aujourd’hui, au départ de La Grave, la course commence par l’itinéraire ouvert par Whymper et Croz en 1964, les Enfetchores jusqu’à la Brèche de la Meije, une course d’alpinisme en soi. Derrière la brèche, le refuge du Promontoire permet aux alpinistes de se ressourcer avant de repartir avant l’aube vers le Grand Pic de la Meije.

La Meije Orientale (3981 m) par le refuge de l’Aigle

La montée du Pied du Col, hameau de Villar d’Arène, au refuge de l’Aigle perché à 3445 m d’altitude, est déjà une petite course d’alpinisme, avec 1800 m de dénivelé, une arête facile, une vire équipée et un passage sur le glacier du Tabuchet. La récompense est la vue de la terrasse du refuge, quand le soleil se couche sur l’arc Alpin. Le lendemain, il restera à peine plus de 500 m à grimper, par terrain glaciaire, pentes raides et arêtes en roche, jusqu’au pic oriental des arêtes de la Meije où le panorama sur le Grand Pic et les sommets des Écrins est époustouflant.


Courses d’alpinisme dans le Parc national des Écrins

Il n’y a pas que la Meije dans la vie d’un alpiniste. La Grave et Villar d’Arène servent aussi de camp de base pour explorer les très nombreux sommets au cœur du Parc national des Écrins. Plusieurs refuges permettent de rayonner ou de partir en traversée vers les Villages d’Alpinisme voisins.

  • Du refuge d’Adèle Planchard, on peut gravir la Grande Ruine et la pointe Brevoort, nommé après la tante de Coolidge, qui a fait la première ascension en 1873 avec son neveu, leurs guides et la chienne Tschingel. De nombreux autres sommets sont à proximité du refuge, comme la Roche Méane.
  • Du refuge du Pavé, les alpinistes peuvent partir vers le Pic Nord des Cavales, le Pavé, le Pic Gaspard, la Pointe Emma et la Pointe des Chamois. La première ascension du Pavé date de 1879, signé Christian Almer père et fils, W. A. B. Coolidge.
  • Le refuge de Chamoissière et le refuge de l’Alpe sont situés au cœur du domaine des randonneurs mais avec la haute montagne tout autour. A proximité se trouvent le Pic de Chamoissière, le Pic de Neige Cordier et le Pic des Agneaux.

DÉBUTER EN ALPINISME

L’alpinisme n’est pas que pour les surhommes et surfemmes. Chacun peut pratiquer à son niveau. Il existe de nombreuses courses qui sont adaptés aux néophytes, à commencer par une simple randonnée sur un glacier.

L’escalade en terrain naturel et la via ferrata sont aussi de bons moyens d’apprendre à progresser à la verticale. De l’escalade en site école à la grande voie et ensuite à l’alpinisme il n’y a que trois pas de danse dans une paroi.

Escalade et via ferrata


Sites écoles d’alpinisme

Dans le cadre des aménagements Villages d’Alpinisme des Écrins, les guides de La Grave ont équipé trois nouveaux parcours pour l’entraînement aux techniques d’alpinisme en rocher : l’arête des Fréaux, l’arête de Peyrou d’Amont et l’arête de Pierre Aiguille.

Un nouveau topoguide est à disposition au Bureau des Guides de La Grave.

Télécharger le topoguide des Sites écoles d'alpinisme


Courses d’initiation à l’alpinisme

FACILE

  • Randonnée glaciaire sur le Glacier de la Girose : 1 jour / montée en téléphérique. Activité accessible aux enfants habitués à marcher (3h min)

PEU DIFFICILE

  • Râteau Ouest (3 769 m) : 1 jour / montée avec le téléphérique de La Grave
  • Pic de la Grave (3 667 m) : 1 jour / montée avec le téléphérique de La Grave

INTERMÉDIAIRE

  • Grande Ruine (3 765 m) : 2 jours / Nuit au Refuge Adèle Planchard
  • La Meije Orientale (3981 m) : 2 jours / Nuit au Refuge de l’Aigle

 

Trouver une course d'initiation à l'alpinisme


Marcher sur un glacier

La Grave offre une opportunité unique de se familiariser avec un glacier. Les Téléphériques des Glaciers de la Meije permet un accès sans aucun effort au glacier de la Girose. Cette grande calotte glaciaire a des parties plates ou en pente douce qui sont idéales pour l’initiation et une première découverte des crevasses et de la glace bleu gris en marchant encordés avec un guide de haute montagne. Là-haut, on peut visiter en liberté la grotte de glace et faire une balade découverte sur le glacier avec le Bureau des Guides de La Grave.

Balades glaciaires et visite de la grotte de glace


TOUT SIMPLEMENT MARCHER

À La Grave et à Villar d’Arène, la haute montagne est tout autour. On l’admire assis sur les terrasses des cafés et des restaurants, en ouvrant les fenêtres des hôtels et des maisons au réveil ou en se promenant, à chaque coin de ruelle dans les villages et hameaux. Ceux qui sont randonneurs dans l’âme peuvent s’initier en douceur à l’alpinisme à travers la marche glaciaire mais aussi tout simplement partir se balader avec la Meije, les Écrins et les glaciers en ligne de mire.

Randonnées pour admirer le spectacle des sommets et des glaciers au bord d’un lac d’altitude ou allongé dans un alpage fleuri :

Idées de randos à la journée

Randonnées refuge en famille, le GR54 Grand Tour des Écrins ou des itinérances plus courtes sur quelques journées :

Idées de randos sur plusieurs jours


   

 


LA CULTURE DE L’ALPINISME, UN PATRIMOINE DES ALPES

Les Villages d’Alpinisme des Écrins sont aussi des lieux de transmission de la culture de l’alpinisme et des traditions de montagne, des lieux où les gens s’installent pour être au plus près de la nature et de cet environnement majestueux qu’est la haute montagne.

Gardiens de refuge, guides de haute montagne, accompagnateurs en montagne, gardes du parc, restaurateurs, hôteliers, fermiers sont parmi les habitants qui vivent en haut du haut, dans nos villages de montagne.